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18/07/2019Julia Verlanger et les ados
La question qui m’est le plus souvent posée par les lecteurs est celle-ci :
— Pourquoi écrivez-vous ?
Pendant très longtemps je n’ai pas su répondre. Très honnêtement, encore aujourd’hui je ne sais pas ce qui m’a pris. Puis il y a quelques jours, mon ami Guillaume*, qui est un grand amateur de littérature de science-fiction et de fantaisie, m’a posé la même question.
Nous discutions des auteurs que nous connaissions l’un et l’autre. Le nom de Julia Verlanger est sorti de ma bouche. Il m’a alors demandé quels étaient les romans que j’avais lus de cet auteur charismatique qu’il aimait beaucoup. Je lui ai répondu : « je crois que le premier était L’autoroute sauvage, puis La jungle de Pierre… »
À ce moment-là, une foule de souvenirs m’est revenue en mémoire. Je les avais occultés pendant toutes ces années, peut-être parce qu’à cette période j’étais, comme beaucoup d’adolescents, complètement perdu, angoissé par l’avenir, à la recherche d’un chemin à suivre.
Je me suis alors souvenu des nombreux dessins que je faisais à la gouache, des bricolages improbables en essayant d’inventer quelque chose, de mon talent inégalé à faire sauter les fusibles de la maison, avec le cortège de remontrances de mon père, des modifications sur ma mobylette puis ma moto.
Je me suis également rappelé les nombreux synopsis que j’écrivais, qui parfois se transformaient en script pour le tournage de vidéos avec des amis. Je vous parle d’une époque où le magnétoscope pesait plus de 20 kg avec sa batterie, des caméras faiblardes dont les couleurs étaient bien loin du Technicolor qui nous faisait rêver au cinéma, des tournages réalisés sans autorisation dans les rues de Paris ou de la banlieue.
Ma mémoire s’éclaircit peu à peu et d’un seul coup j’ai réalisé qu’il y avait peut-être eu des événements marquants dans ma vie autour de la littérature.
Ma première approche de ce qu’est un auteur de romans, a été ce merveilleux film Le magnifique, de Philippe de Broca avec Belmondo, découvert avec ma grande sœur en 1973 lors de sa sortie en salle aux Gobelins. J’ai toujours adoré ce film et le revois avec grand plaisir à chaque occasion. Je n’ai pas l’intention de vous le spolier et si vous ne l’avez pas vu, courez vite voir cette grande comédie du cinéma français.
La deuxième s’est passée avec mon copain Fred. Nous étions des lecteurs inconditionnels de Métal hurlant, magazine français de bandes dessinées de science-fiction apparu en 1975 (dernier numéro en 2006). Chaque mois nous étions en apnée en attendant la sortie du nouveau numéro. Puis les choses se sont précipitées. On a vu La Guerre des étoiles de Georges Lucas, puis quelque temps plus tard, nous avons découvert les bandes-annonces en vue de la sortie du film Alien de Ridley Scott. Nous avons alors basculé dans la frénésie des romans et des films de science-fiction.
Un soir, pendant l’émission de télé La dernière séance, présentée par Eddy Mitchell, j’ai eu la chance de voir Fahrenheit 451. Le lendemain mon ami m’a téléphoné et au milieu de notre conversation au sujet de cet excellent film de François Truffaut, il m’a dit : « J’ai réussi à contacter Gilles Thomas, je le rencontre samedi prochain ». Pas de chance pour moi, je n’étais pas disponible ce jour-là. Je n’aurai le fin mot de l’histoire que le lundi matin pendant les intercours. Il m’a alors raconté la scène :
Rendez-vous avait donc été pris avec Gilles Thomas en juin 1979, dans un café de la place de la république à Paris. Mon ami est entré dans la salle et a avisé les personnes autour de lui. Manque de chance pour lui, Gilles Thomas n’était visiblement pas arrivé. Il s’est alors assis à une table et avant d’avoir pu commander un café, une dame d’un certain âge lui fait un petit coucou. Curieux, il s’est approché en lui demandant ce qu’elle voulait.
— Vous êtes venu voir Gilles Thomas ? lui demanda-t-elle.
— Oui, vous le connaissez ?
— Plutôt bien, c’est moi.
Avant de continuer, je voudrais préciser que cette histoire est rigoureusement authentique. Mon ami a donc passé plusieurs heures avec Julia Verlanger (pour ceux qui n’ont pas suivi, Gilles Thomas était le nom d’auteur que lui avait imposé son éditeur à l’époque, les amateurs de science-fiction préférant des auteurs masculins, selon lui). Il en reviendra bouleversé et la reverra plusieurs fois.
Au retour des vacances d’été qui ont suivi, Fred m’a dit :
— Je vais voir Julia samedi prochaine. Tu veux venir ?
— Évidemment que je veux y aller, lui répondis-je. C’est loin ?
— En bas de la descente à 800 m de chez moi.
Le samedi suivant, nous sommes donc partis en début d’après-midi, invité par notre auteur préféré à déguster du Coca-Cola et des petits gâteaux. J’ai enfin rencontré Julia Verlanger.
Très honnêtement, j’étais très intimidé et j’ai vécu cet après-midi-là comme si je rencontrais une divinité. Je me souviens d’une femme charmante, attentionnée, à l’humour corrosif et bienveillant, alors qu’elle était déjà malade. Nous avons eu un long entretien sur des sujets aussi divers que le bien et le mal, l’avenir de l’humanité ou les conséquences de la fiction sur le réel. Je garde pour moi les détails de cette rencontre, veuillez me pardonner.
La scène s’est passée en septembre 1979. Elle nous à offert son dernier roman paru, La jungle de pierre, dont elle venait de recevoir les premiers exemplaires.
Pour Manuel, qui a des idées très saines sur l’existence. Amitiés. Gilles Thomas.
Finalement, pourquoi est-ce que j’écris ? Pour plusieurs raisons, probablement. Mais je pense aujourd’hui que la principale est qu’une dame de 50 ans a eu à l’époque envie de passer une après-midi avec deux ados turbulents et indisciplinés. Elle a pris le temps de nous dire qu’il était ô combien important de se donner les moyens de suivre nos rêves, et que dans ce domaine, il n’y avait aucune limite.
J’ai l’habitude de dire que j’écris comme j’aime lire. J’adorais lire les romans de Julia.
Merci Fred, pour ce moment qui a marqué mon histoire.
Merci Madame, et pardon de ne pas avoir suivi vos conseils plus tôt.
Guillaume*
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